Décidément, la route qui nous mène vers la création de la
monnaie unique européenne est bien longue. Nous sommes en effet
confrontés à une crispation inquiétante, à la fois de la part
des tenants d'un monétarisme dogmatique (autour des critères de
convergence et notamment de l'objectif de réduction des
déficits publics à 3 %) et de la part de ceux qui sont
sensibles aux sirènes de l' " autre
politique ".
Ainsi, le sommet de Dublin a décidé de rendre obligatoire
le respect de cette limite de 3 % après la création de la
monnaie unique, instituant même un système de sanction. Et le
ministre allemand des Finances, Theo Waigel (CSU) a encore
souligné, très récemment, qu'à ses yeux seuls les pays
remplissant strictement ces critères en 1997 et assuré de
le faire en 1998 peuvent envisager de participer à la
création de l'Euro. Une attitude aussi rigide peut entraîner un
nouveau report de la création de la monnaie unique (qui
risquerait de lui être fatal), ou en restreindre l'accès à un
petit nombre de pays. Et la définition d'un seuil absolu et
définitif de déficit budgétaire, indépendamment des
évolutions de la situation économique, est un non-sens. Nous
devons être fidèles à l'esprit du traité de Maastricht, qui
prévoit une appréciation en tendance des critères de
convergence.
Malheureusement, d'autres crispations sur le sujet viennent
de nos propres rangs. Si, après un riche débat, la convention
mondialisation du parti socialiste a réaffirmé clairement
l'objectif de création de l'Euro, certaines propositions
incompatibles avec cet objectif ont vu le jour. Ainsi il nous est
proposé, au nom d'un " réalisme
monétaire ", de réévaluer la parité entre le franc
et le mark (c'est-à-dire de dévaluer sensiblement le franc).
Une telle mesure déstabiliserait le fragile équilibre entre les
monnaies du SME, et assurément, compromettrait la création de
l'Euro.
Parce qu'il est impossible d'être socialiste sans avoir une
vision européenne (et même internationaliste), et parce que la
concurrence entre de multiples monnaies, malheureusement
arbitrée par les marchés financiers, entrave la liberté de
choix économique de chaque pays, nous devons absolument garder
l'objectif de création de la monnaie unique. Mais celle-ci ne
doit pas être un instrument au service exclusif d'une politique
économique libérale et monétariste.
Il faudra veiller à ce que les conditions de création de la
monnaie unique ne comportent pas ces dérives, sans pour autant
adopter une attitude d'obstruction (comme le Royaume-Uni, sur
d'autres sujets, pendant ces quinze dernières années). En
effet, les adversaires de la construction européenne peuvent
adopter une attitude d'obstruction et de blocage lorsque les
décisions ne leurs conviennent pas. Par contre, les partisans de
l'Europe sont dans l'impossibilité d'adopter une telle attitude,
car leurs adversaires accepteraient beaucoup mieux un blocage de
la construction européenne.
Le texte proposé par le conseil national pour la convention économique et sociale pose quatre conditions autour desquelles la position de la France lors des négociations européennes sera construite si nous revenons aux responsabilités. Seule cette démarche équilibrée permettra une avancée de la construction européenne positive pour l'emploi, et un développement économique au bénéfice du plus grand nombre.
Gilles Vollant